Le Pizzino
Bulletin tendanciellement mensuel
adressé au monde de toutes les alternatives possibles
NUMÉRO DE JANVIER 2020
De nombreuses personnes, parmi lesquelles des membres du Consortium, des amis consommateurs
et des gens avec lesquels nous partageons des valeurs communes ont contribué à l’écriture de ce “pizzino”.
Nous remercions toutes ces personnes - un peu trop nombreuses pour être citées -
qui croient à un changement possible et pensent que le Consortium a le devoir d’agir en ce sens.
Cher·e·s ami·e·s,
Nous souhaitons depuis maintenant un certain temps consacrer un “pizzino” à la transparence du fonctionnement et de la gestion du Consortium afin de répondre à vos nombreuses - et légitimes -
questions de ces derniers mois. Des questions adressées aussi bien par ceux qui sont déjà venus nous rencontrer, que par ceux qui nous connaissent indirectement via l’achat des produits : comment
fonctionne le Consortium ? Comment les prix sont-ils fixés ? Nos Poules sont-elles vraiment toutes heureuses ?
Cherchant aussi à nous intéresser à ce qui se passe ailleurs, nous nous sommes également demandé : les
autres paysans du monde sont-ils heureux ? Pourquoi sont-ils toujours de moins en moins nombreux en Sicile, en Italie, en France mais aussi en Inde ou au Gabon ?
Il est vrai que certains scénarios et dynamiques changent mais la marginalisation de l’agriculture paysanne demeure.
Nous sommes convaincus que la seule façon d'aller de l’avant est de construire une alliance forte avec
ceux qui considèrent l'alimentation et l'environnement des priorités, avec pour objectif de créer des systèmes de production et de consommation dans lesquels le droit à la dignité serait de
nouveau au centre et où tous les êtres vivants seraient valorisés, redonnant leur juste valeur et beauté à nos territoires.
Parallèlement à la rédaction de ce “pizzino”, nous nous questionnons sur la construction d’un prix
davantage équitable : un prix correspondant seulement au coût de production est-il suffisant pour nous? Si ÉQUITÉ et ÉGALITÉ sont deux concepts bien distincts : les consommateurs doivent-ils tous
payer le même prix ? le Consortium doit-il payer aux producteurs les produits aux mêmes prix ? Allant plus loin dans la réflexion, nous nous interrogeons également sur le fait que de nombreuses
personnes n’ont même pas accès à une alimentation saine et que de nombreux paysans doivent défendre leur territoire - de plus en plus endommagées - pour pouvoir les
cultiver.
Nous aimerions répondre à de nombreuses autres questions et essayer de repenser collectivement nos choix, nos actions, nos priorités, convaincus de la viabilité de notre modèle qui, basé sur la confiance, nous a permis de faire tant de choses ensemble ces dernières années. Pour donner davantage de poids à nos réflexions et propositions, nous avons lancé l’été dernier une grande enquête au sein du Consortium qui nous permettra dans le prochain pizzino de vous livrer des chiffres plus précis pour pouvoir développer ensemble toutes ces pistes.
Les producteurs et leurs
produits
Tout d’abord, une rapide chronologie du Consortium s’impose. Au commencement : dix agriculteurs
visionnaires et à moitié désespérés - les deux vont souvent ensemble - se convainquent qu’il est possible de renoncer au marché traditionnel et d’en créer un autre, avec les consommateurs. Un
nouveau modèle qui s’appuierait sur des valeurs telles que la confiance et le partage entre producteurs et consommateurs, qui pourraient se regarder droit dans les yeux. Au départ, c’est
l’instinct de survie qui incite ces paysans à inventer ce modèle alternatif. Mais, avec le temps, “sous couvert de cultiver et vendre des produits sains", ils instaurent une vraie relation avec
ceux qui dégustent leurs produits. Quant aux consommateurs, ils deviennent une part absolument indispensable de ce nouveau système de production et de consommation, clair et transparent, dans
lequel agir pour son bien-être personnel signifie aussi agir pour le bien commun.
Dans un souci de rapprochement mutuel, nous avons cherché depuis le début à vous expliquer notre démarche - qui, de loin, n’est pas forcément évidente à saisir - le plus clairement
possible, ainsi que nos choix concernant les emballages, le calibre des fruits, la certification en biologique etc. - vous retrouverez ici tous les
articles sur ces différentes thématiques.
Douze années après sa création, notre Consortium ne compte plus 10 mais 41 membres, auxquels il faut ajouter les 35 fournisseurs ou “poussins” (producteurs “non-membres”) qui nous ont rejoint au
fil des années et avec lesquels vous pourrez commencer à faire connaissance ici.
En fait, le Consortium s’est tout simplement agrandi parce que nous sommes de plus en plus nombreux. En revanche, si l’on considère les fermes de manière individuelle, leurs revenus ont peu
augmenté. En cela, le Consortium a seulement permis aux agriculteurs prêts à "couler" de pouvoir garder la tête hors de l’eau. Le Consortium a donc grandi, entraînant un grand nombre de gens dans
son sillage; diffusant le modèle Galline Felici au plus de paysans possible.
Nos “poussins” se répartissent dans les trois catégories suivantes :
Ce “poussinage” - deux ou trois ans - est l’occasion de faire connaissance avec les producteurs poussins. Beppe, notre “homme de campagne” chargé de la tournée des fermes les suit et va leur rendre visite régulièrement. De leur côté, les “poussins” nous fournissent leurs produits et participent à nos assemblées générales trimestrielles. Au terme de cette période, sauf exception, les poussins deviennent membres du Consortium.
Les autres “Poules”
L'équipe du poulailler
Croître a également impliqué d’agrandir notre équipe, qui est aujourd’hui composée de 49 salariés en
charge de la cueillette, du travail de l’entrepôt, en passant par l’administration, la logistique ou la communication etc. Avant la création du Consortium, les producteurs réalisaient eux-mêmes
l’ensemble de ces tâches qui souvent n’étaient pas rémunérées, et encore moins prises en compte dans leurs bilans.
Ici, en Sicile, les entreprises qui rémunèrent et déclarent dans les règles quarante-neuf salariés - sans demander ensuite aux employés de restituer au noir ces mêmes cotisations - ne sont pas
nombreuses; à l’inverse, l’exemple précédent est malheureusement monnaie courante. Mais comme “il faut manger”, certains n’ont d’autres choix que de cautionner cette pratique. Le Consortium, lui,
a toujours tout mis en oeuvre pour respecter le travail de ses salariés. Il a également toujours tenu à remercier les salariés disposés à faire quand cela est nécessaire, quelques
sacrifices.
Travaillent aujourd’hui au sein du Consortium :
17 personnes à la cueillette (2 équipes),
15 personnes dans l’entrepôt des produits frais,
8 personnes chargées de l’arrivée des produits, l’administration, les relations avec les consommateurs,
la vidéo, la communication, le secrétariat, l’informatique et les traductions,
2 personnes dans l’entrepôt des produits en conserve,
3 personnes chargées de la logistique en Italie et hors Italie,
2 personnes qui vendent nos produits sur les marchés de quartier de Bologne,
1 personne responsable du ménage de l’entrepôt,
1 “homme de campagne” chargé de la tournée des fermes.
Devraient bientôt rejoindre l’équipe :
un nouveau cueilleur, ainsi qu’un jeune diplômé en agronomie qui s’occupera de soutenir les paysans sur le plan technique.
L’équipe citée ci-dessus intervient après la production et avant l’expédition des produits. L’expédition, pour des raisons assez simples, est confiée à des prestataires extérieurs mais reste
supervisée et suivie par nos responsables de la logistique.
Voilà tout ce que nous avons réalisé tous ensemble, pas à pas, en l’espace de douze ans (beaucoup, pas beaucoup ?)
Les quartiers d'une orange
Filière courte à gauche et Grande distribution à droite.
Depuis plusieurs années, nous utilisons ces graphiques (oranges divisées en quartiers) que beaucoup
d'entre vous connaissent, pour expliquer approximativement la répartition du prix de vente selon les différents postes de dépenses de notre filière et mettre en évidence les différences avec la
Grande distribution.
À l’origine représentatif de la réalité, ce graphique l’est un peu moins aujourd’hui. Ainsi, il faudrait “ôter” au quartier “producteur” (produttore) : les frais de gestion et les pertes de
production les années marquées par des catastrophes naturelles exceptionnelles - de moins en moins “exceptionnelles” d’années en années, les vols, les heures supplémentaires non payées qui
réduisent de manière significative ce quartier. Les producteurs et produits du Consortium étant très différents les uns des autres, les valeurs de ce graphique sont des moyennes que nous
développerons plus précisément par la suite, produit par produit, pour continuer à réfléchir ensemble à comment rendre plus sain Notre petit marché.
Le quartier le moins représentatif de la réalité d’aujourd’hui, qui nous a permis de soutenir les fermes des Galline pendant longtemps, est celui du “transport” (trasporto).
Au début, pour fixer le coût du transport en Italie, nous nous étions basés sur l’hypothèse d’un camion chargé en Sicile, qui effectuerait des livraisons directes dans plusieurs villes
italiennes. Pour diverses raisons "techniques", il arrive souvent désormais que le fameux camion décharge à un ou plusieurs endroits en Italie et que de petits transporteurs locaux prennent le
relais : ce qui fait grimper le coût du transport, et représente, comme le prix du produit reste lui inchangé, une perte pour les Galline.
Lorsque nous avons commencé à expédier nos produits en France et en Belgique, nous avons estimé les coûts de transport sur la base des "scénarii les plus pessimistes". Sur cette base, nous avons
établi un tableau des majorations sur le transport, applicables selon les régions. Nous avons mené il y a quelques mois une analyse préliminaire de ces coûts et avons constaté que, contrairement
à l’Italie, les majorations établies à l’époque (2012) étaient désormais supérieures au coût réel du transport, les demandes des groupes ayant considérablement augmenté.
Le quartier “transport” aurait donc permis la création du quartier "soutien aux fermes" qui nous a donné la possibilité, à nous les Poules, de bénéficier en fin d'année d'un "bonus" compris entre
9% et 17% du prix de vente (entre 0,05 €/kg et 0,09 €/kg sur la quantité d’oranges vendues et non la quantité récoltée). Une bouffée d'oxygène ayant permis à certains paysans du Consortium
d’effectuer des investissements dans leurs fermes, rien de plus.
Cette marge a également donné la possibilité au Consortium d'acheter une nouvelle machine de tri pour l’entrepôt et d’économiser des heures de travail. Ce quartier a donc permis au Consortium de
devenir ce qu’il est aujourd’hui.
Enfin, il y a le nouveau quartier “actions sociales promues ou soutenues par le Consortium” : des projets qu’individuellement nos fermes incapables d’aider mais le collectif nous permet de
pouvoir le faire.
Pour éviter tout doute ou malentendu, sachez qu'il s'agit de valeurs moyennes dont nous vous livrerons
une analyse plus approfondie dans le prochain pizzino.
En attendant, nous vous invitons à réfléchir aux modalités des choix que nous devrons faire ensemble pour pouvoir continuer à marcher dans la même direction et réaliser ce changement, qui
chimérique aujourd’hui à nos yeux, nous fera peut-être sourire dans quelques années tant il nous semblera évident.
Merci de votre intérêt et de la patience dont vous avez fait preuve pour nous lire jusqu’au bout,
À bientôt,
Mico et le Poulailler